# WALK AWAY * { LIBRE

- AUGUST, 3RD -

« Aurooore ! Descends s’il te plait m’aider à ranger la vaisselle du lave-vaisselle, s’il te plait ! »

La plaie.

« Okay ! J’arrive »

Aurore soupira brièvement et referma son livre après avoir retenu la page où elle s’était arrêtée. Ah, les parents, si tu n’as rien à faire ils étaient toujours là pour te donner une occupation – mais pas toujours les meilleures. Aurore, qui était fille unique, aimait aider, sauf dans un seul cas : quand elle lisait un livre et qu’elle ne voulait pas être déranger. Enfin, il était vrai que rares étaient les moments où elle n’était pas plongée dans un livre. Descendant les escaliers au pas de course, Aurore se trouva bientôt au rez-de-chaussée, et enfin, dans la spacieuse cuisine. Elle avait la chance de vivre confortablement : son père était avocat, et sa mère, experte comptable, et tout deux gagnaient bien leur vie.
Aurore aida sa mère, en silence. Grâce à elle, en quelques minutes le lave-vaisselle était redevenu vide, et la jeune fille pensa qu’elle allait pouvoir retrouver son livre, avant que sa mère ne déclare :

« Tu devrais sortir, tu sais, il fait un temps magnifique dehors. En plus, la nouvelle boutique qui était en travaux vient de ré-ouvrir, tu devrais aller jeter un coup, et puis pourquoi ne pas inviter les triplées ? »
« Impossible, elles sont parties à Londres pour le week-end. Mais, bon je vais quand même sortir ! »

Le temps d’aller chercher son sac comportant son argent de poche et son portable, et Aurore était déjà dehors. En effet, Mary avait eu raison : le temps était magnifique : le soleil éblouissait la ville de ses rayons tandis que les nuages avaient désertés le ciel d’un bleu azur. Aussitôt sortie, Aurore ne regretta pas d’avoir choisi de délaisser son bouquin. Elle choisit alors de suivre les conseils de sa mère et commença à se diriger vers la nouvelle boutique. L’air était pur, et malgré la chaleur, Aurore se sentait bien. Elle rencontra plusieurs passants, qu’elle connaissait ou pas. Enfin arrivée dans la boutique, elle fut surprise par le bâtiment, elle n’aurait jamais imaginé qu’il soit si beau. Elle entra alors dans le magasin, un sourire affiché à ses lèvres. L’extérieur représentait bien l’intérieur : tant de vêtements de tant de couleurs ! C’en était impressionnant ! Ah, si seulement Julia, Sandy et Amber étaient là… elles sauteraient partout comme des puces et se seraient éparpillées au quatre – ou plutôt trois – coins du magasin en train de passer en revue toutes les fringues. Aurore, elle, était plus calme, et se contenta de parcourir de ses yeux la boutique, avant d’en faire le tour. Les vêtements étaient vraiment beau, et dans son style. Pas trop flash, ni trop « dénudé ». Elle trouva un jean slim noir magnifique, et un tee shirt assez simplet mais dont elle aimait la couleur grise. Elle hésita, puis embarqua les vêtements à la cabine d’essayage.

Un quart d’heure plus tard, la jeune fille sortait de la boutique avec, à la main, un sac plastique contenant le slim et le tee shirt. Magnifique, le magasin était tout simplement magnifique, et elle avait déjà hâte d’y emmener ses amies. Elle prit un sorbet à la vanille au passage, puis alla rejoindre le parc pour s’asseoir à un banc. Enfin assise. Elle dégusta alors sa glace, qu’elle avala avec gourmandise. De toute façon, Aurore était le genre de fille à pouvoir manger autant qu’elle le voulait sans jamais prendre un gramme, ce qui était parfait, gourmande comme elle l’était. Elle ferma alors les yeux, de plaisir. Elle était bien, là, assise sur son banc, à pouvoir rêver autant qu’elle le voulait. Enfin, ça c’était avant qu’une autre personne ne s’assoit à ses cotés…

. Que c’est bon de vivre sa vie sans personne derrière soit pour nous dicter une ligne de conduite… Pourquoi tous les adolescents de nos jours ne rêve que d’être libre, de ne plus avoir cette voix incessante qui te rappelle à l’ordre, du genre : « Chérie, viens donc aider à dresser les couverts ! » ou encore : « Tu as fais tes devoirs ? N’oublie pas que demain soir tu as RDV chez le médecin ! ». Sérieusement, le rôle d’un parent ne serait pas plutôt de nous guider sur ce long chemin qui est la vie ? Alors pourquoi les adultes sont-il toujours derrière nous à vociférer des âneries qui rentrent par un trou et ressortent de l’autre. Et pourtant, Ellinor rêverait d’avoir deux seniors à ses côtés, d’entendre leurs ordres, de pouvoir se rebeller, ou au contraire, se confier. Vous savez, la vie sans un guide n’est plus la vie. Ce n’est pas en ouvrant un livre que l’on apprend à vivre. Ce n’est pas non plus en essayant d’oublier cette vie que l’on survie. Ellinor se bat pour sa cause. Elle se bat pour se faire entendre, pour que son entourage perçoive cet appel au secours qu’hurle son cœur à chaque instant qu’elle survie dans un monde qu’elle estime ne pas être le sien.

Citation :: « Driiing, driiing…driii…
- Allo ?
- …
- J’vous la passe ! […] Elli’ c’est pour toi ! »

. La blondinette sort lève difficilement les fesses de son fauteuil et éteint son iPod. Cela ne fut que fort décevant pour elle de devoir sortir de ses pensées philosophiques et de devoir reporter sa petite entrevue avec Regina Spektor et sa chanson « Fidelity », et c’est avec énervement qu’elle arracha le téléphone des mains de Desiree et répondit agressivement à celui-ci. Il est dans sa nature de ne jamais être de bonne humeur lorsqu’on veut la joindre, il est donc souvent impossible d’échapper à une petite leçon de morale de sa part, même lorsque l’on est innocent.

Citation :: « Qui est-ce ?
- Euh… Hey, du calme ma belle ! Hésita une voix masculine à l’autre bout du téléphone.
- Que j’me calme ? Et d’abord, de quel droit tu m’appelles « ma belle » ?
- Jusqu’à aujourd’hui nous sommes de bons amis non ? Je te rappelle que l’on a été TRES proches pendant un bon bout de temps n’est-ce pas ?
- Lilian, comme tu viens de me le rappeler, c’est du passé, et jusqu’à aujourd’hui que je saches TU présume que nous sommes de bon amis mais ce n’… Ellinor fût coupée par son ex, mauvaise idée de sa part.
- Je sais, c’est faux, je me fais des illusions et patati et patata. Trêves de bavardages la naine, j’ai besoin d’un service, et tel que je te connais, tu ne vas pas refuser. Lui confia-t-il, une pointe de complicité dans la voix.
- […] »

. Un quart d’heure plus tard la blondinette se retrouva à marcher d’un pas rapide en direction du centre commercial d’Odano. Elle n’était pas habituée à voire la lumière du joindre, et pourtant elle donnait l’impression d’être comme une fleur qui venait d’éclore. Son teint clair rayonnait sous une couche de blush rosé, lui donnant un petit air enfantin. Elle était très mignonne dans sa petite robe grise. On entendant ses talons fracasser le sol bétonné de la rue, et le cliquetis des perles de son collier s’entrechoquer. Autour d’elle une foule se bousculait, les regards se tournaient vers elle ; surtout les regards des jeunes garçons d’Odano.
* C’est fou ce que les garçons peuvent être naïfs. Pour une fois je suis fière d’être une demoiselle, mais ne vous inquiétiez pas, je ne suis pas en détresse. *

. Elle eu bien vite rejoint cette librairie à laquelle Lilian lui avait presque ordonné de se rendre. Une petite cloche tinta lorsqu’elle ouvrit la porte. L’ambiance était chaleureuse dans cette boutique, ça sentait un peu le renfermé, mais c’était agréable de venir ici. Il y a 2 ou 3 ans de cela la petite Ellinor aurait passé ses journées ici à feuilleter tous ces livres et à chercher la perle rare ; mais ce temps est révolu. Elle sillonna les rayons à la recherche de ce fameux libre, et lorsqu’elle tomba à la lettre F il ne lui fallut plus que quelques secondes pour dégoter sa requête : Madame Bovary de Flaubert.
« Depuis quand lis tu ce genre de récit Lilian… »
Soupira t-elle étonnée. Elle se rendit rapidement à la caisse et ni une ni deux paya son bien. Elle sortit de la boutique, laissant derrière elle ce qu’elle appelait il y a des années : « Mon monde à moi ». Le petit sac en main, elle hésita quelques secondes sur le seuil du bâtiment, jetant un coup d’œil autour d’elle. Elle repéra très vite un petit marchand de confiseries, et ne pu s’empêcher de faire des folies. Elle se dirigea vers le stand aux milles couleurs et s’empressa de faire sa sélection de cochonneries. Quelques minutes plus tard elle se rendait au parc de la vie, un petit sachet de bonbons en main : à chacun ses petit plaisirs.

Que de monde en ce début d’après-midi au parc. Tous les bancs étaient bondés. Toutes les générations s’étaient comme recueillis ici : des seniors jusqu’aux juniors. Elle repéra rapidement, de son œil futile, ce banc où était installé une jeune fille d’environ son âge. Sans gêne elle alla s’installa au bout de celui-ci, sans faire attention à la grande blonde. Elle ouvrit son sachet et commença à déguster toutes ces confiseries à la fraise, à la menthe, au citron… Des cochonneries qui lui coûteront quelques grammes en plus, mais rien de grave, elle les éliminerait bien vite lors de son footing du dimanche matin.

Les paupières toujours closes, fermées sur le monde extérieur, Aurore sentit quelqu’un s’asseoir sur « son » banc. Dans un premier temps, elle ne bougea pas d’un seul centimètre, se contentant de respirer l’air pur du par cet de laisser les rayons du soleil venir caresser ses joues pales. Mais l’odeur qui lui chatouilla les narines était devenue trop forte, trop délicieuse. Alors, elle ouvrit les yeux. Découvrant une jeune femme blonde aux yeux bleus qui devait être à peine plus âgée qu’elle, elle haussa des sourcils. En regardant autour d’elle elle s’aperçut alors que tous les autres bancs étaient pris, à présent. Peut-être le sien paraissait-il plus accueillant, c’est vrai que ce garçon, là-bas, avait l’air des plus étranges. Quant au papi qui lisait son journal en reniflant toutes les deux secondes, pas très agréable non plus. Silence. Elles ne disaient rien, mais le regard d’Aurore s’attarda un long moment sur le paquet de bonbon que tenait la jeune femme. Ah, les bonbons, un vrai péché mignon pour Aurore. Grande gourmande qu’elle était, les confiseries étaient sûrement la chose que préférait manger Aurore. Même avant les gaufres, crêpes ou encore glaces. Bon, OK, ce n’était sûrement pas très recommandé pour garder la ligne, mais de toute façon, elle avait la chance de ne jamais prendre un gramme en mangeant toutes ces cochonneries, une vraie chance, car il ne faisait aucun doute que sinon, elle serait déjà devenue obèse. Eh oui, fraises Tagada, chewing-gum, tout y passait… enfin sauf les confiseries faites à partir de la noisette ou de la noix de coco, parce que leurs goûts l’écœurait profondément, mais bon à part ça, elle n’était pas très difficile.

Alors, elle se contenta d’observer le sachet de bonbon, sans cacher son désir de goûter une de ces friandises de toutes les couleurs. Mais peut-être paraitrait-elle malpolie… oui sûrement. Alors, à contre cœur, elle détourna le regard qui se posa sur un arbre environnant le parc. Contrairement à l’habitude qu’il avait de se balancer sous le poids du vent, en automne, l’arbre ne bougeait plus, restant immobile en ce mois d’août, semblant apprécier les rayons du soleil de toutes ses branches. Ah, si seulement les triplées étaient là pour contempler le ciel couleur azur, les rayons qui vous éblouissaient… et ce sachet de bonbons qui vous narguait de par sa couleur et, surtout, son odeur. Rarement les triplées et elles étaient séparées, meilleures amies depuis leur plus tendre enfance, elle ne s’était que rarement quittés, seulement pour les vacances, où des occasions similaire, mais chaque fois, Aurore regrettait de ne plus les entendre se disputer, pour telle ou telle chose, de ne plus devoir chercher afin de reconnaître qui était qui. Soupir. Les vacances d’été étaient loin d’être parfaites. Elle qui aimait la stabilité, l’été ne la gâtait pas, avec ses journées qui se suivaient mais ne se ressemblaient quasiment pas. Alors que pendant un mois de mars, par exemple, elle savait exactement quoi faire. Lire. Etudier. Ecouter Julia, Amber ou Sandy. Parfois, même, subir les railleries de Stacy. Elle faisait peine à penser à elle, alors que celle-ci devait sûrement être au Club Med. Aurore avait pour elle une très belle image de ce que pouvaient ressembler les vacances de la teigne, cette image qui restait dans sa tête était celle où l’on voyait Stacy d’un coté, et de l’autre un genre de file d’attente constitué des plus beaux garçons de la région où elle se trouvait. Cette vision la fit sourire, imaginer Stacy en train de passer de telles vacances ne pouvait qu’être source d’amusement, enfin, en tout cas, ça lui aurait bien ressemblé.

Plongée dans ses pensées, Aurore sursauta presque en sentant quelque chose se frotter contre sa jambe. Elle haussa les sourcils, et regarda quelle en était la cause. Elle vit alors un petit chat d’une blancheur éclatante, qui, soit dit en passant, lui faisait un peu penser à la blancheur d’un sourire comme on en voyait dans les pubs pour Colgate. Le chaton, continua de se frotter contre ses jambes, ronronnant de plus belle. Elle qui avait toujours aimé les chats, mais qui n’en avait jamais eu à cause de l’allergie de son père pour ceux-ci, le regarda avec amusement. Après un court instant, il vint sauta jusque son banc, et vint se lover contre elle… avant qu’il ne voit le sachet de bonbon de la jeune femme blonde aux cotés d’Aurore. Intéressé, le félin se dirigea vers le sachet, reniflant le sachet. Aurore prit alors le chaton, et le remit de son coté. Si elle savait bien une chose, c’était que manger des bonbons touchés par un chaton inconnu n’était en rien plaisant. Le chat comprit et s’allongea tout la jeune fille qui le caressait doucement. Silencieusement, elle fit alors un sourire timide à la jeune femme blonde qui se tenait à ses cotés.

. Quel délice toutes ces petites choses colorées, mais évidemment, tout plus chimiques les unes que les autres. Elle avait pertinemment que de manger ces cochonneries n’était pas bon pour elle et sa santé, mais elle avait besoin de céder à son pêcher mignon.
Elle ne faisait que très peu attention à la jeune fille à ses côtés, mais sentait son regard sur le paquet rose et blanc qu’elle tenait dans les mains. Elle n’osa pas lui proposer d’y jeter un coup d’œil, voir si quelque chose la tentait, car Ellinor ne savait pas ce qui se passait dans sa tête. Etait-elle en train de la mépriser ou d’avoir cette envie de sucrerie monter en elle. Elle avait l’air si mince, et plutôt du genre à faire attention à sa ligne. Elle croisa ses deux petites jambes, et se mit à observer toutes ces personnes se presser autour d’elle. Sur le chemin orangé défilait toutes sortes d’énergumènes plus bizarres les uns que les autres. En face d’elles un vieil homme lisait son journal ; était-il malade ? Il reniflait sans arrêts, ce qui ne devait pas être très agréable à supporter. Quand à ce jeune homme, une espèce d’intello plongé dans ses bouquins, l’envie ne lui en disait pas d’aller faire sa connaissance. Il y a tellement de personnalités différentes sur cette Terre. Tout le monde mérite de se faire connaître, mais il est parfois préférable de rester à l’écart, dans son petit monde.

. Elle soupira. Elle fixa son paquet, puis jeta un coup d’œil à la jeune fille. Elle était en train de s’amuser avec un petit chaton d’un blanc immaculé. Il semblait s’être attaché à elle, se frottant à son corps, comme si celui-ci n’était qu’un simple tronc d’arbre. C’est alors qu’il vint s’intéresser à elle, ou plutôt, à ses friandises. Elle prit soin de refermer le paquet, nul ne sait ce qu’un chat inconnu peut traîner comme microbes ! Elle eu un petit rire nerveux lorsqu’elle sentit le poil doux de la bête contre sa main, mais ce petit plaisir lui fut vite retiré. La mystérieuse jeune fille reprit le chaton sur ses cuisses, et Ellinor fit une petite mine déçue. Quand elle était petit elle avait toujours eu un petit chat, elle s’en rappelle très bien, elle s’appelait Boucle D’Or =) C’était un petit chat roux, à la limite du blond. Elle était toujours collée à elle, c’était sa mascotte, sa meilleure amie d’enfance. Malheureusement un chat ne vit pas éternellement…

. Elle esquissa un sourire à la jeune fille qui paraissait gênée, elle décida alors de briser la glace. Elle fit une petite caresse timide au chaton qui commençait à s’assoupir sous l’effet du bercement des caresses de la fille. Elle se lança alors à l’attaque, et d’une voix cristalline mais franche elle annonça :
« Je crois qu’il vous aime bien =D »
Elle n’avait rien de mieux à dire. Allait-elle parraître idiote aux yeux de l’inconnue, ou simple naïve. Elle était toujours sur la défencive, c’était dans sa nature de chercher à plaire aux autres. Peut-être avait-elle tout simplement peur du regard des autres ? Elle fixa un instant son paquet multicolore, attrapa l’un des bonbons qu’elle enfouie dans sa petite bouche. Elle tendit le paquet à la jeune fille, l’incitant à se servir.

La jeune femme avait refermé le paquet de bonbons avant que le chat ne l’atteigne, et Aurore regretta d’avoir mis le chaton hors de la portée de la jeune femme… c’est vrai, peut-être aimait-elle les chats, elle aussi, et surtout elle-même paraîtrait sûrement égoïste. Enfin… elle se remit à observer le parc. Elle aimait ça, Aurore, observer le monde qui l’entourait. Sans ça, elle ne pourrait pas décrire autant de choses dans son Journal Intime, qui était décidemment plus qu’un simple journal intime. C’est vrai qu’elle aimait aussi y retranscrire quelques histoires tous droits sortis de son imagination, il fallait dire qu’elle était assez créative, pour ce qui était d’écrire, en tout cas. Elle vit alors le vieil homme qu’elle avait vu tout à l’heure, reniflant une énième fois. Berk, des fois les gens étaient vraiment étranges…

Le chat, à ses cotés, finit par se lover tout contre elle, et elle le sentit ronronner. Et dire qu’elle ne le connaissait pas, d’ailleurs elle savait que les chats se révélaient souvent être méfiants envers les personnes qui les approchaient… étrange que celui-ci ne vienne comme s’il lui appartenait. Enfin, de toute façon, ce n’était pas la seule chose étrange qui lui arrivait en ce moment… elle se rappelait parfaitement, deux jours auparavant, être comme tombée de fatigue alors qu’elle était en compagnie de Julia. Jamais elle n’avait ce genre de chose avant, et elle savait que son amie s’était beaucoup inquiétée pour elle. Mais comment était-ce donc arrivé ? Peut-être manquait-elle de sommeil, quand savait-elle ?
Une nouvelle fois plongée dans ses pensées, ce fut cette fois la voix de la jeune femme blonde, à ses cotés, qui la fit sursauter :

« Je crois qu’il vous aime bien »

Aurore croisa son regard et sourit à son tour. Le chaton, quant à lui, continuait sa sieste, sous les caresses des deux jeunes femmes, aux mêmes cheveux blonds. Elle pensa alors que c’était bien qu’elle ait brisé le silence qui se faisait trop lourd, car elle savait qu’elle n’aurait pas osé. Ne disait-on jamais à son petit enfant de ne jamais parler à un inconnu. Certes. Mais Aurore était assez grande, et de toute façon, cette jeune femme paraissait sympa, alors…

« Oui c’est vrai… d’ailleurs j’ai toujours voulu un chat, mais bon... »

Elle regarda le félin, et elle pouvait voir son ventre se soulevait à chaque respiration. Il paraissait calme, innocent, comme s’il n’en avait rien à faire de ce qui l’entourait, tant qu’il pouvait dormir là. Ce n’est pas qu’elle les enviait, mais quand elle y pensait, ils avaient quand même la belle vie, ces animaux. Jamais de contrainte, il n’avait qu’à manger, dormir, se balader, etc..
Aurore posa à nouveau son regard sur la jeune femme avec qui elle partageait son banc :

« Vous êtes d’ici ? »

Minable… mais c’est tout ce qu’elle avait trouvé à dire.

Elle percevait le petit ronronnement mélodieux émanant du chaton blanc. Il s’était blotti contre le torse de la jeune fille, en boule, comme une pauvre petite bête innocente. Durant un court instant Ellinor se demanda comment était-ce possible qu’un petit chat puisse s’attacher en aussi peu de temps à une inconnue. Il est vrai que la belle blonde était attirante, qu’il se dégageait d’elle une espèce de jovialité, mais de là à faire comme si ces deux personnages se connaissaient depuis toujours… étrange ! Elle esquissa un petit sourire de travers à sa pensée, puis ignora ce côté de l’affaire. Elle se rendit compte que son interlocutrice n’avait pas fait attention à son geste, elle referma donc son paquet de bonbons et le rangeant dans son petit sac en cuir noir posé sur ses genoux.

D’où venait-elle ? C’était une colle que lui posait cette mystérieuse inconnue. Elle venait de tellement d’endroits, qu’elle ne savait plus où donner de la tête. Elle eu un petit pincement au cœur à l’idée de devoir répondre à une question qu’elle avait toujours redouté. Au départ, elle venait de très loin, d’Europe pour être franche, mais elle n’y a vécue que 2 ans, voire moins. Les larmes commencèrent à lui monter aux yeux lorsqu’une image rapide lui traversa l’esprit : la voiture tourbillonnant sur cette plaque de verglas. Elle ravala bien vite ses sanglots, se pensant mille et une questions sur toute son histoire. Que devait-elle dévoiler ? Que pour elle elle n’avait pas de famille, pas de « chez soit » ? Qu’elle se sentait comme une bâtarde, sans parents, sans vie digne de ce nom ? Elle en avait une pourtant de famille, une famille qui a plusieurs reprises elle avait essayé de rejoindre… au ciel. Et oui ! A l’âge de 15 ans lorsqu’elle commença à mal tourner, qu’elle se drogua, qu’elle fit un petit aller retour en prison, elle eu envie de quitter ce mon ! Je ne pourrais pas vous dire : « Ca peut arriver à tout le monde quoi ! ». Non, car c’est faux. Parfois les gens surestiment la petite blondinette. Elle dégage une impression d’enfant pourrie gâtée, alors qu’au fond elle n’est rien. Mais que dis-je ! Bien sûre qu’elle est quelque chose ! Ellinor est une battante qui est prête à tout pour arriver à ses fins. Elle a une personnalité hors du commun, mais malheureusement celle-ci est dissimulée sous une carapace d’acier…
Ce n’est donc qu’après quelques minutes d’absence que « boucles d’or » répondit à l’inconnue, sur la défensive, inconsciente du ton qu’elle venait de prendre.

« Pourquoi cette question ? »

Aïe ! Elle venait encore une fois de faire une gaffe. Elle pencha la tête vers l’arrière, comme exaspérée de la vie. Pourquoi fallait-il toujours que les gens s’intéressent à son passé. Nous sommes en 2007, dans le présent. Le passé c’est le passé, pensons plutôt à notre avenir. Encore un sujet délicat dans lequel mieux vaut ne pas se lancer.
Ellinor se frotta le front de son pouce et de son indexe, comme fatiguée d’être ce qu’elle est. Elle était au bout du rouleau ces temps-ci, et lorsqu’elle pensait avoir franchis cet obstacle, un autre lui barrait la route menant au bonheur.
Elle se repris, observa le petit chat qui venait de se retourner. Il était tellement chou sur son dos en train de s’étirer. Elle sortit alors inocemment, comme si de rien était :

« J’ai eu un chat, je l’avais appelé Boucle D’Or… »

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